: : PASSAGE

DU ROMAN

Vous marchez d’ordinaire droit devant, sans prêter attention. Mais, cette fois-ci, — et vous ne savez pas pourquoi —, vous regardez à droite en traversant la grande rue. Il s’y trouve une sorte de ruelle couverte, jamais remarquée. Un passage. De chaque côté, des boutiques dont chaque porte vous appelle. 

Et lorsque vous retrouvez la grande rue, il est déjà tard. Où sont passées les heures ? Ce sont autant d’endroits insoupçonnés, cachés, qui se révèlent; autant de phrases écrites puis effacées, retirées, coupées; autant de passages couverts, passages souterrains, que l’histoire vous oblige à emprunter. 

Car le récit que vous aviez imaginé, construit, planifié, va se jouer de vous: c’est lui qui décidera d’une direction et d’une issue, des portes dérobées et des passages secrets… 

: : labyrinthes

Le texte littéraire est sinueux. :: Il est tortueux, c’est un S infini sur le sol de l’histoire.:: Il passe par certains endroits qu’il marque de son sens et que :: l’auteur choisit d’inscrire. L’auteur est un suiveur. Il y a une route, et :: des directions indiquées. Lesquelles prendre ? Certaines sont des ::cul-de-sac. L’auteur s’y retrouve bloqué, demi-tour obligatoire. :: Dead End ! Parfois il se perd, :: il patauge, il insiste, force le ::passage. Il faut suivre le texte, il faut suivre les mots, il faut suivre… ::Vous suivez ?

: : abîme

Mouvement infini vers un fond illimité,

le long d’une cavité insondable,

dans une obscurité

parfaite.

silhouette of person standing beside bare tree under stary sky

Est-ce cela, le processus de création littéraire ? Est-ce ainsi que fonctionne l’écriture, cet ensemble de moments mis bout-à-bout, où l’auteur est traversé par des images, des idées, des mots ? L’auteur est-il un plongeur de l’abîme, incertain de savoir remonter à la surface à chaque fois ?

: : créatures

Partir d’un détail. Partir d’un visage croisé dans la rue, une démarche particulière. L’ambiance d’un personnage et ce qu’elle donne à penser. Imaginer sa vie, avoir l’envie d’en écrire quelque chose. En créer un personnage.

: : détours

Écrire, il faut écrire. Mais les mots se dérobent, rien n’est bon, rien ne tient. S’éloigner de la page, se mêler à la vie, expérimenter. Attendre patiemment que la flamme revienne, au prix d’une douleur impensable. Et écrire, à nouveau, enfin.

 TRAJECTOIRES

Penser l’histoire, imaginer les mouvements du texte. Partir du point A, toujours tendre vers le point B. Mais la ligne entre les deux points est parfois sinueuse. L’important, c’est le mouvement, et le centre de gravité de l’histoire. Après, le hasard peut se charger des événements.

 : : issue

En anglais, le mot est un problème, en français une solution. Ecrire peut signifier prendre le problème à bras-le-corps, écrire peut être synonyme de solution à un problème majeur que l’auteur rencontre dans sa vie. Un traumatisme, par exemple, qui l’aurait plongé dans l’abîme. Lorsqu’il revient de cette contrée nocturne, et qu’il entrevoit la lumière, cela peut signifier que l’écriture a apporté son potentiel de solution, que le premier jet est terminé, ou bien que le manuscrit est prêt à être envoyé, ou bien encore que le livre est passé à la presse, tout chaud, prêt à sortir

Mais de quel endroit caché

sort-il, ce livre ?

Et l’auteur,

sort-il avec son œuvre ?