ROMAN

#1

: : PHOTOGRAPHIES

La photographie en général tient une place essentielle dans ma vie et dans mon écriture. Je m’explique : j’ai toujours photographié (ah les Polaroïds de papy, les appareil Kodak avec leurs négatifs à développer !), j’ai toujours aimé récupérer les vieilles photos de famille. J’étais le seul à demander à re-re-re-regarder les albums, vous voyez le genre ? Il y en a toujours un dans la famille. Mais c’est aussi par le biais de photos que l’écriture est apparue. Je veux dire l’écriture qui dure, qui tient la route et le temps.

C’est donc par le biais de photos que l’écriture du premier roman a commencé. J’ai véritablement reçu un paquet de photos un matin, je ne savais pas qui me l’avait envoyé et je ne m’y attendais absolument pas ! Une émotion si forte est née de la vision de ces clichés en noir et blanc que j’ai décidé de les décrire les uns après les autres. Et puis… c’est devenu une intrigue, une enquête, et un roman.

©Henri-Georges DIGNETON

: : Détective privé

Dans le roman, il s’appelle Julien Lacoste. Il est détective privé. Un peu gauche, un peu puceau, un peu esseulé. Addict à la brioche. Et terriblement attachant. Il est employé par Marcus, le protagoniste, pour résoudre cette enquête suite à la disparition de Gabrielle, une enquête qui traine depuis trop longtemps

Il me fallait un personnage qui aide, qui vienne en renfort avec quelques connaissances de filature, mais je ne souhaitais pas qu’il soit parfait ou qu’il connaisse son métier sur le bout des doigts. Au contraire : je le voyais embarrassant, maladroit, pas très sûr de lui, mais avec de bonnes intuitions. Dans le roman, non seulement il fait avancer l’enquête sans vraiment le vouloir, mais il conscientise son besoin d’amour et son désir de rencontrer quelqu’un. Au départ, dans la première version du roman, c’était un personnage mineur qui apparaissait vers la fin de l’enquête. Et puis, à la réécriture, il s’est imposé comme personnage central, figurant dans les premiers chapitres avant même qu’apparaisse Marcus Bogar. Pourquoi ? Parce que je me suis rendu compte que sans lui l’enquête n’aurait pas lieu, mais je voulais que le lecteur puisse assister à la rencontre entre lui et Marcus, et donc avec l’enquête.

: : Solipsistique

[Définition : doctrine présentée comme une conséquence logique résultant du caractère idéal de la connaissance ; elle consisterait à soutenir que le moi individuel dont on a conscience, avec ses modifications subjectives, est toute la réalité, et que les autres moi dont on a la représentation n’ont pas plus d’existence indépendante que les personnages des rêves]

Cet adjectif est lancé par Rita à la figure de Marcus lors d’un dîner où ils sont censés se rapprocher. Autant dire que cela jette un froid. Mais Rita a raison et finalement Marcus en convient : il est marqué par la solitude de ses pensées et de ses actions. Il mène ses affaires seul, son enquête y compris et il lui est très compliqué de demander de l’aide. Ou d’imaginer que les autres en sachent tout autant que lui. Il fait cavalier seul, comme on dit, et souvent refuse ou ignore les mains tendues, qu’elles soient du domaine des idées ou des actes. Mais cela remonte à son enfance : fils de Gabrielle, il a appris à être solitaire, emmuré dans un silence protecteur mais handicapant. N’ayant aucun retour de la part de sa mère alcoolique, Marcus s’est bâti sur un savoir personnel. Seules ses émotions avaient de la valeur. Ce solipsisme l’a coupé du reste du monde : comment peut-il faire aujourd’hui pour rejoindre les autres ? Sait-il même le faire ? En a-t-il la nécessité, le besoin ? Heureusement, il cherche l’amour, et pour aimer l’autre, il faut le prendre en considération.

: : CHAMBRE 221 : :

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Ah, les portes de chambres, avec leur numéro… Dans Roman #1, il s’agit d’une chambre d’hôpital, la 221. Les portes, ce sont des passages d’un endroit à un autre, d’une atmosphère à une autre et parfois d’une émotion à une autre. J’aime l’idée de passage, de sas, d’élément intermédiaire qui est aussi central. Sans porte, pas de délimitation. Sans porte, pas d’intimité, pas de secret, pas de questions.

La chambre 221, c’est aussi l’antichambre de la mort dans Roman #1. La perte fait nécessairement partie de la vie. Nous perdons des êtres : ils disparaissent, ils partent, ils décèdent, ils trépassent, ils s’éteignent, ils expirent, ils périssent, ils succombent. Parfois même on dit qu’ils claquent, qu’ils clamsent, qu’ils crèvent. Beaucoup de synonymes au verbe mourir, comme une façon de tourner autour du pot, ou plutôt autour du trou que laisse la mort d’un.e proche. Cette mort est centrale dans mes écrits. Par exemple, Mathilde, la grand-mère de Marcus, vit ses derniers jours dans la chambre 221 d’un hôpital. Marcus lui rend visite mais il sait qu’elle est déjà partie, seul son corps amaigri et paralysé occupe le lit à barreaux.

Finalement, ça n’est pas tant la mort qui m’occupe en tant qu’auteur, mais plutôt la délicate mission des vivants, des restants, pour sortir du deuil, pour dire au revoir, passer à autre chose. C’est cette question du désinvestissement difficile qui est en jeu dans mon roman.

: : ceux qui voient

J’ai toujours été fasciné par ces personnes qui ont la capacité de naviguer entre le monde des vivants et celui des morts. Dans mon premier roman, Marcus, ne voyant pas d’issue à l’enquête, va consulter une voyante. Cette femme permet de résoudre un certain nombre de questions quant à la disparition de Gabrielle, ce qui accélère l’enquête. Dans mon second roman, il est aussi question d’une femme qui « voit » une personne décédée et permet au protagoniste de dire des choses qui n’avaient pas été dites.